Capitaine du vaisseau, le chef d’entreprise porte l’image de l’établissement auprès des clients, des partenaires, des fournisseurs, des financeurs, des collaborateurs, des instances et collectivités locales, etc.

Sa propre dynamique, son charisme, insufflent l’esprit de l’entreprise et d’entreprendre aux parties en présence. Elle donne confiance aux investisseurs, aux créanciers et aux clients. Elle porte l’enthousiasme de ses équipes et leur envie de partager cette vitalité qui crée ainsi du désir induit pour les produits ou services proposés.

Si ce n’est l’enthousiasme, c’est au moins la volonté ferme, structurée, du manager qui inspire confiance en l’avenir et dans l’entreprise.

Il est le guide, il est donc seul. Il n’est à aucun moment en droit de défaillir, surtout en apparence.

Il ne se donne généralement pas le droit, si besoin, de se confier à un tiers, même proche. Surtout pas à un collègue, encore moins à un autre chef d’entreprise. Rarement à un médecin. Souvent très peu à sa famille ou à son conjoint pour ne pas l’inquiéter.

Les clubs d’entrepreneurs, les éventuels parrains, sont organisés pour échanger professionnellement, faire la promotion d’image, de produits ou services, apprendre des techniques comptables, de management, de marketing, etc. ce sont des lieux de représentation.

L’échange ne se situe malheureusement pas dans le rôle du métier réel du chef d’entreprise qui va au-delà de sa profession exercée : diriger, décider, financer, gérer, présider aux destinées de l’établissement en sont la base mais ne constituent qu’une seconde couche professionnelle visible.

Etre le chef, le guide, le garant, le décideur, avec pour revers une épée de Damoclès permanente, un juge imparable et intraitable, sauvage et aveugle, lorsqu’on est le rempart permanent et surtout la caution morale, technique et financière personnelle de tout cela. Une position moralement et intellectuellement épuisante, pour laquelle le chef d’entreprise n’est ni formé, ni préparé.

Cette usure se manifeste invariablement, que ce soit en conscience, et plus profondément, insidieusement, inconsciemment.

La dynamique de projet et de groupe, le sport, les réunions, les succès, les moyens financiers et techniques permettant de prendre du recul n’y feront rien, le chef d’entreprise est seul.

Irrémédiablement et moralement seul. Au milieu de tous. Impuissant à communiquer sur cela.

Pour ne pas se mettre en danger, pour ne pas laisser croire à une once de faiblesse possible.

Parce que c’est aussi vers lui que vont les sollicitations, l’inverse ne semblant plus possible.

Aussi, si elle survient et parvient à s’exprimer, sa demande de parole, de partage, de conversation avec un autre chef d’entreprise est systématiquement évitée : ce dernier aura peur de se dévoiler, d’affaiblir sa propre course et sa propre dynamique s’il s’arrête lui-même pour y penser, pour échanger.

Le succès, le positif avant tout : Eluder cette pulsion de mort bue jusqu’à la lie, avaler ainsi littéralement la vie, et pour cela déborder de toutes parts vers l’infini, le néant : créer, courir, pour ne pas vraiment penser. Ne pas parler.

Quel espace, quel moment, alors, pour se laisser dire ?

En décidant de briser ce silence, en partageant délibérément mon expérience avec des confrères, en choisissant alors de m’exposer pour voir ce qu’il en était réellement, j’ai pu obtenir des confidences confondantes. J’ai pu déceler de la souffrance, de la solitude, un vide intime immense face aux défis quotidiens. Ainsi que bien d’autres symptômes, de non-dits, que les décideurs lisant ces lignes ont forcément à l’esprit.

C’est d’avoir été chef d’entreprise, à l’écoute des autres, que j’ai désiré devenir psychanalyste.

Psychanalyste pour les chefs d’entreprise mais aussi pour tous dirigeants, ou élus, en consultations individuelles, ainsi que pour leurs équipes, par la mise en place de groupes d’analyse de pratiques professionnelles.

Il existe donc un lieu d’écoute, de travail par libre association, basé sur une absolue confidentialité, permettant de décider d’y réserver un temps spécifique dédié à la parole.

Prendre rendez-vous permet de décider ou non de donner suite, de définir ensemble le moment, les modalités, en toute discrétion, au cours d’un ou plusieurs entretiens préalables qui n’engagent d’abord en rien, afin de mettre en place une cure dont la durée sera un-définie puisque s’acquitter de chaque temps de travail par la parole permet d’être libre de la quitter.

Ainsi l’analysant est au travail, l’analyste l’écoute, activement.

Une solitude, qu’une seule étude, – seul l’y es-tu ? -, seul à deux, solde et tue…de l’emprise, en prise, d’entre-prise.

Frédéric Duplessy, Condat sur Vienne, juillet 2017